Afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la France, déjà en retard sur ses engagements, soutient le projet de taxation carbone pour les importations en Europe. Bientôt présenté par la Commission européenne, ce projet peut être le premier d’une longue série de lois et d’avancées pour soutenir la transition écologique. Dans le viseur des institutions et de certaines ONG : la fin des quotas gratuits dans le marché des ETS, voire la taxation carbone de davantage d’entreprises en France. Découvrons ensemble l’envers du décor ainsi que les futurs enjeux climatiques français.
Vers la mi-juillet, la Commission européenne révélera les propositions faites pour le “mécanisme d’ajustement carbone aux frontières”. Ce projet a pour objectif d’imposer une taxe carbone à certaines entreprises exportatrices vers l’Europe. Il concernerait donc les secteurs les plus polluants tels que l’acier, le ciment, l’aluminium, etc. Les autres secteurs générant moins d’émissions de CO2 seraient exemptés... pour le moment.
Pourquoi cette proposition?
Les raisons sont multiples. Tout d’abord, le but de la manœuvre est d’inciter les entreprises à diminuer leurs émissions afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par la France et l’Europe. Rappelons-le, l’objectif est avant tout de laisser un futur propre et durable aux générations futures.
L’objectif de cette taxation aux frontières est surtout d’éviter la concurrence déloyale. En effet, cela permettrait aux entreprises européennes de concurrencer les entreprises venant de pays “laxistes” en termes de gestion des émissions de gaz à effets de serre. Elles pourraient proposer des prix bien moins élevés car ne subiraient aucune restriction, comparé aux sociétés européennes.
L’autre avantage de ce projet, qui le rend urgent, est qu’il empêcherait les entreprises de délocaliser leur production afin d’éviter les restrictions menées par l’Europe. En effet, si le projet n’est pas adopté, il se peut que le nombre de “fuites de carbone” augmente drastiquement. Selon la Commission européenne : ces fuites de carbone correspondent à une “situation dans laquelle une entreprise, pour échapper aux coûts liés aux politiques climatiques, déplace sa production dans un autres pays appliquant des règles moins strictes en matière de limitation des émissions, risquant ainsi d'augmenter ses émissions totales”.
L’argent récupéré par les taxes pourrait d’une part financer le plan de relance à la suite de la crise sanitaire, et de l’autre aider les pays taxés à améliorer leur transition écologique. Cela permettrait aux pays en développement d’évoluer main dans la main avec l’Union européenne.
Les quotas carbone?
Afin de mener à bien ce projet, la France a mis en avant le système miroir des quotas carbone. Ce système existe déjà sous le nom d’ETS, et est obligatoire pour les industriels les plus polluants au sein de l’Union européenne. Ils doivent quantifier leurs émissions de CO2 générées dans l’année et sont sous la contrainte de ne pas dépasser un certain plafond imposé. En fonction de leurs résultats, ils doivent acheter des quotas manquants si leurs émissions sont trop élevées, et peuvent les vendre s’ils sont en-dessous de ce fameux plafond.
Or, ce marché de quotas fait débat. Selon divers organismes et institutions, il n’est pas assez efficace pour lutter en faveur de la diminution des émissions carbone. Les prix des quotas sont jugés trop faibles pour intimider les industriels. En revanche, nombreux d’entre eux ont réussi à tourner ce système à leur avantage, s’enrichissant en vendant de nombreux quotas, sans réellement changer leurs pratiques. Les ETS ont perdu leur crédibilité aux yeux de nombreux citoyens européens, toujours plus sensibles aux sujets environnementaux.
Ces quotas gratuits, peu enclins à faciliter la décarbonation, ne font pas l'unanimité. Dans la proposition déposée pour la taxation carbone, il avait été demandé de supprimer les quotas gratuits. Pourtant, le 11 mars, le Parlement européen a voté pour son maintien. Le système de quotas gratuits, colosse aux pieds d'argile, est dans la tourmente et risque de se voir disparaître ou modifié dans les années à venir.
Quel futur pour les entreprises européennes?
Il y a fort à parier que ce projet aboutisse. Les cartes vont être redistribuées, faisant les affaires des uns, laissant sur le carreau les autres, n’ayant pas été proactifs. Les quotas gratuits ont de grandes chances d’être la prochaine victime des projets lancés par la Commission européenne, faisant place à un nouveau système, probablement plus strict et moins permissif.
Cela concerne pour le moment les grands industriels, mais pour combien de temps? Comme expliqué précédemment, la France a pris du retard sur sa décarbonation. Si elle souhaite atteindre ses objectifs, elle n’a d’autre choix que d’imposer des changements radicaux sur sa transition écologique. Il se peut que de nombreuses entreprises, plus seulement les géants français, aient l’obligation d’intégrer le développement durable à leurs activités, à travers l'évitement et la réduction des émissions de gaz à effets de serre, voire à travers la compensation carbone.
Même si ces évolutions paraissent lointaines, elles ne sont pas pour autant à négliger. Les marchés risquent de prendre un tournant dans les années à venir. Les entreprises ayant déjà engagé leur décarbonation seront prêtes à faire face à cette transformation, bien plus que celles qui chercheront à s’engager dans le “strict minimum” flirtant avec le greenwashing. Repenser intégralement son fonctionnement et intégrer le développement durable à ses pratiques et ce, dans toute sa chaîne de valeur est probablement le futur point qui différenciera les entreprises dans la décennie à venir.
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