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Pas de neutralité carbone pour les Garanties d’Origines



Depuis la création des garanties d’origines (GO) en 2011, nombreuses entreprises utilisent cette méthode peu coûteuse pour afficher fièrement la « neutralité carbone » de leur activité. Mais que se cache-t-il derrière cette affirmation ? Evidemment, la réalité est plus contrastée. De plus, certaines organisations font le parallèle entre les GO et la compensation carbone : expliquant qu’ils n’ont pas besoin de compenser leurs émissions de CO2 puisqu’ils opèrent déjà dans le marché des GO. Arrêtons de nous emmêler les pinceaux, et mettons-nous au clair sur l’impact des Garanties d’Origine dans une trajectoire carbone.

Au-delà de cet aspect, les garanties d’origine sont souvent peu comprises dans leur globalité. Certaines entreprises affichent que leur consommation énergie est purement « verte », et que compenser ses propres émissions n’est pas nécessaire puisque les garanties d’origine permettent déjà d’atteindre la « neutralité carbone ». Mais qu’en est-il vraiment ? Peut-on parler de neutralité carbone ? Soucieux de vulgariser certains thèmes pour nos lecteurs, rétablir la vérité et éclaircir quelques points ne pourra que faire du bien.



Tout d’abord, la garantie d’origine, c’est quoi ?

La garantie d’origine est un document qui garantit au client que l’électricité qu’il consomme provient d’une source d’énergies primaires renouvelables [1] (éolien, solaire, hydraulique, biomasse et géothermie), ou par cogénération (production simultanée d’énergie thermique à flamme et d’énergie mécanique). Il existe aussi des garanties d’origine pour le gaz vert, reposant sur le même système. Ici, intéressons-nous principalement aux GO liées à l’électrique.

Opérationnelle en 2012, la GO est pour le moment la seule manière de s’assurer de l’origine de l’électricité renouvelable, et reste le seul moyen reconnu de certification de cette énergie. Si un fournisseur décide de vendre de l’électricité renouvelable, il devra alors acheter des garanties d’origine. Pour 1MWh d’électricité renouvelable produit, 1 garantie d’origine sera délivrée au producteur. Cette GO pourra être ensuite vendue à un fournisseur d’électricité. Son prix varie régulièrement car l’achat des GO est basé sur un système de vente aux enchères.



[1] une énergie renouvelable a une capacité de reconstitution plus rapide que sa consommation. Une énergie propre, contrairement à une énergie renouvelable, est une énergie très peu, voire non polluante. Ses émissions sont moindres par rapport à d’autres source énergie. Par exemple, le nucléaire est une énergie propre car décarbonée, elle n'émet effectivement pas de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cependant, cette énergie n’est pas renouvelable car l’uranium, son combustible, est une ressource limitée.



Or, de nombreux acteurs considèrent que le prix des GO est trop faible. En effet, du fait d’une offre particulièrement élevée, le prix avoisine rarement les 1€. Il oscille en moyenne entre 0,15€ et 0,5€ par MWh. Consommer de « l’électricité verte » revient à faiblement rémunérer le producteur et avoir peu d’impact sur la facture énergétique d’un consommateur. En moyenne, un ménage consomme 4.5MWh/an d’électricité soit un surcoût moyen de 2€/MWh pour se dire « vert ». Ceci n’aide pas vraiment le producteur et ne montre pas réellement un engagement dans la transition énergétique du consommateur.

Ces prix sont considérés comme trop faibles car la demande en énergie « verte » est inférieure à l’offre. En 2020, l’offre de garanties d’origine était de 594TWh pour une demande de 326TWh, soit deux GO offertes pour une GO demandée.



Quels avantages / Quels inconvénients ?


Avantages :

Comme mentionné ci-dessus, les GO sont pour l’instant le seul moyen de certifier une énergie produite de manière renouvelable. En théorie, elle encourage donc ces producteurs à maintenir leur activité. Elle les aide ainsi dans l’exploitation de leur site de production . Elle a aussi la particularité de permettre au consommateur de choisir précisément la provenance de « l’électricité verte » certifiée par les GO. Ainsi, tous les achats et ventes de GO sont répertoriés sur le site de Powernext (organisme indépendant qui assure le bon fonctionnement du marché des GO) Le fournisseur peut proposer des GO venant d’autres pays européens comme des GO provenant d’une petite exploitation française proche du consommateur.


Le mécanisme des GO est aussi régulé par un marché d’enchères. Cela aide à rendre les échanges transparents, locaux, mais aussi à réguler les prix mensuellement, en fonction de l’offre et de la demande. C’est ce qu’explique Aude Filippi, Directrice du département Growth Initiatives chez Powernext dans une interview pour L’Energie en Lumière « L’algorithme d’enchères développé conjointement par Powernext et Artelys permet aux participants non seulement de choisir des garanties d’origine d’une certaine région ou d’une certaine technologie mais aussi de sélectionner une installation de production particulière, rendant possible les offres d’électricité verte localisées ».


Inconvénients :

- L’offre de GO reste particulièrement élevée, ce qui rend les prix très attractifs. Malheureusement, ils ne sont pas assez hauts pour permettre au producteur de financer de nouvelles installations énergétiques renouvelables. C’était pourtant l’objectif initial des GO : aider au développement des énergies renouvelables grâce à ce système d’enchères. Ce sont avant tout les gros acteurs de l’énergie qui profitent de ce système.

- Les GO sont achetées sans être directement consommées par le consommateur final. Il va simplement payer pour la production « d’énergie verte » pour qu’elle soit injectée sur le réseau. Sa consommation propre proviendra probablement d’une énergie non renouvelable.

- Plus des deux-tiers des GO achetées et annulées sont issus de barrages hydrauliques. Ces barrages sont souvent anciens et ne font pas partie des nouvelles technologies productrices d’énergie renouvelable. C’est bien là le problème : le consommateur peut s’attendre à participer au développement d’énergie verte, ce qui n’est pas vraiment le cas.

- La demande est en constante augmentation. Cependant, si l’intégralité des citoyens français venaient à demander une énergie verte en passant par les GO, la quantité d’énergies renouvelables serait largement insuffisante pour la population. Il faut donc que la demande et l’offre évoluent conjointement, ce qui n’est pour le moment pas le cas.

- Selon Julien Tchernia, Président d’EkWateur, un autre problème majeur est que « les garanties d’origine sont utilisées pour certifier une consommation passée. Il est donc difficile de dire aux clients quelles seront les garanties d’origine utilisées pour leurs consommations futures ».

On voit donc bien que le système des GO n’est pas tout rose. Son fonctionnement reste incomplet et critiquable. D’autant plus que de nombreuses entreprises utilisent les GO pour annoncer fièrement leur engagement vers la transition écologique. D’autres en profitent pour se considérer « neutre en carbone ». Ces annonces flirtent avec le greenwashing.

Même s’il n’est pas exempt de tout reproche, ce mécanisme reste le seul à proposer des solutions claires et un minimum viables. Sans celui-ci, il est quasiment impossible de soutenir avec certitude des producteurs d’énergie renouvelable. Pour les entreprises et autres organisations qui souhaitent s’intégrer dans une démarche de décarbonation de sa consommation d’énergie, il faut donc faire avec cet outil encore imparfait.



L’utilisation des garanties d'origines :


L’important concerne l’utilisation que l’on fait des Garanties d’Origines et la manière dont on communique dessus. Comme nous avons pu le voir, ce mécanisme pose de nombreuses limites et s'apparente en de nombreux points à du greenwashing ; il n'impose rien en termes de réduction à la source des acteurs qui l'utilisent, il est largement utilisé pour verdir des offres marketing, tout en étant complètement décoléré des coûts réels des travaux entrepris sur le terrain. Les entreprises qui souhaitent diminuer leur impact sur l’environnement ont donc tout intérêt à annuler des GO. Ils ont comme solutions directes de diminuer leur propre consommation énergétique, et d’acheter des GO françaises, locales, appartenant à des petits producteurs utilisant des technologies nouvelles (même si le prix risque d’être plus élevé). Il est à noter que les producteurs qui ont un contrat d’obligation d’achat (prix de vente supérieur au prix de marché), donnent leurs GO à l’état.


Au-delà de cet aspect, il est primordial pour l’entreprise de ne pas s’arrêter en chemin et de s’investir dans une réelle transition écologique, car l’achat de GO n’est absolument pas suffisant !



Acheter des GO plutôt que compenser ses émissions ?


Il faut voir le problème autrement. L’achat de GO peut certes avoir un impact sur la diminution des émissions de CO2 de l’entreprise, mais en aucun cas sur l’intégralité de ses émissions annuelles. Voilà donc l’erreur à ne pas faire pour une entreprise ayant acheté 100% de sa consommation en GO :

Se considérer « neutre en carbone ». Le problème : le mécanisme des GO concerne seulement la consommation électrique et/ou de chaleur (pour le gaz vert) de l’entreprise. Elle n’intervient que dans le scope 2 du bilan carbone réalisé, pas dans les deux autres. En d’autres termes, acheter des GO est louable, mais elles n’impactent qu’une partie des émissions de CO2 de l’entreprise.


D’autant plus que considérer que sa consommation électrique est neutre en carbone n’est pas forcément vrai. En effet, même si l’on achète des GO, sa production a engendré des émissions de CO2. N’oublions pas non plus que le MWh renouvelable acheté via une GO n’est pas directement consommé par l’entreprise. Acheter de l’électricité dite « verte » ne nous rend pas neutre en carbone !


C’est pourquoi la compensation carbone s'impose de plus en plus là où les GO étaient utilisées par défaut. De son côté, elle intervient sur les scopes 1, 2 et 3. Elle comprend l’intégralité des émissions résiduelles générées par l’organisation. Cependant, avant d’imaginer la compensation, il est nécessaire pour l’entreprise de chercher à éviter et réduire ses émissions de CO2 en amont. Ensuite, la compensation peut être envisagée, mais seulement pour les émissions incompressibles, celles qui ne peuvent être ni évitées, ni réduites. Elle est possible en France depuis peu grâce au Label Bas Carbone, un label rigoureux créé par le Ministère de la Transition écologique et l’I4CE en vue de financer des projets locaux et durables.


La compensation carbone n’est donc pas à mettre en concurrence avec les GO. Ce sont deux mécanismes distincts. Il n’empêche que la compensation reste certes plus couteuse pour l’entreprise engagée dans une démarche durable, mais son impact est bien plus large.



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