A l'heure de la transition écologique et des changements de pratique, la compensation carbone est décriée au détriment de la contribution, qui gagne en popularité au sein des entreprises et autres organisations. La réalité est pourtant plus complexe. Bien qu'elle soient distinctes, ces deux notions sont étroitement liées .
Quelle est la différence entre compenser ses émissions et contribuer à l'effort climatique? Quels termes doit-on utiliser ? Tâchons de revenir sur quelques définitions :
Compensation carbone :
Outil de contribution à la neutralité carbone. Elle permet de contrebalancer partiellement ou intégralement les émissions carbone inévitables émises par une organisation, une collectivité, un Etat, ou toute autre entité. L’équilibre se réalise grâce à la création ou le financement de projets séquestrant du carbone ou réduisant les émissions de GES dans l’atmosphère. Elle ne s’envisage que si la réduction d’émissions n’est pas possible à l’origine.
La compensation carbone est l'un des leviers du processus ERC (Eviter, Réduire, Compenser). Une entreprise qui préfère se lancer dans la compensation carbone avant même d’avoir évité et réduit ses propres émissions s’engage dans une démarche qui peut être considérée comme du greenwashing. Elle fait ainsi face à de gros risques de mauvaise presse si la supercherie est révélée.
La compensation est pour le moment basée sur le volontariat. En France, son objectif majeur est de participer à la Stratégie nationale bas-carbone, et d’aider à atteindre la neutralité carbone nationale à l’horizon 2050.
Les projets financés se répartissent dans plusieurs secteurs (forêts, agriculture, espaces naturels, bâtiment…), et peuvent être labellisés pour attester de leur qualité.
Eviter, Réduire, Compenser (E,R,C) :
Processus qui se divise en 3 étapes. Après avoir réalisé son bilan carbone, on évite les émissions de CO2 en cessant certaines activités émettrices de GES. Ensuite, celles qui n’ont pas pu être évitées sont réduites au maximum à travers différents investissements ou changements de pratiques. Enfin, les émissions résiduelles incompressibles peuvent être compensées en finançant des projets externes séquestrant du carbone.
Exemple : Imaginons une entreprise qui souhaite participer à l’effort climatique grâce à une meilleure gestion de son empreinte carbone. Une forte partie de ses émissions provient des déplacements de ses 100 agents prenant tous l’avion à travers la France.
En premier lieu, elle décide de limiter les voyages, en privilégiant les déplacements indispensables, soit ceux de 50 agents ; les autres réalisant des visio-conférences. Leur non-déplacement correspond à de l’évitement.
En second lieu, les agents n’ayant d’autre choix que de se déplacer se voient limiter leur accès à l’avion (l’un des transports les plus émetteurs de carbone). Dorénavant, ils utilisent des moyens de transports avec une meilleure empreinte carbone: le train, le covoiturage, etc. C’est la Réduction.
Après avoir quantifié les émissions restantes de ses 50 agents se déplaçant à travers la France, l’entreprise peut faire le choix de financer des projets qui contrebalanceront leurs émissions grâce aux dispositifs de Compensation carbone volontaire français (Label bas-carbone -LBC) ou internationaux (VCS, Gold Standard)
Neutralité carbone :
« Équilibre entre les émissions de GES anthropogéniques et l'absorption du carbone de l'atmosphère par des puits de carbone. Pour atteindre des émissions nettes nulles, toutes les émissions de gaz à effet de serre dans le monde devront être compensées par la séquestration du carbone. » (Parlement Européen). En d’autres termes, la neutralité carbone est atteinte seulement lorsque la quantité totale d’émissions de GES incompressible en tCO2eq est intégralement stockée et absorbée sur un territoire défini.
Attention ! Cela ne veut pas dire que le territoire n’émet plus de GES ! Si un pays s’engage à la neutralité carbone, il peut toujours émettre, voire augmenter ses émissions. Du moment qu’il est en mesure de toutes les compenser en les séquestrant l’équivalent dans des puits de carbone. La neutralité ne veut donc pas dire 0 émissions de GES.
Objectif de Neutralité carbone : Les objectifs peuvent être pris à plus ou moins grande échelle (Monde, France, Régions, Organisations).
Une entreprise ne peut pas être neutre en carbone :
Quoi qu’il en soit, une organisation n’est pas en mesure de dire qu’elle a atteint la neutralité carbone ! Même si celle-ci est dans une démarche de compensation après avoir évité et réduit ses émissions carbone. En réalité, la neutralité carbone nette n’existe qu’à très grande échelle : au niveau mondial (ou national). Pour qu’elle soit atteinte, il faut que la partie qui émet puisse séquestrer du carbone sur son propre territoire. La France ne peut pas être neutre en carbone si elle crée et finance des projets à l’autre bout du monde.
Le cas est le même pour une entreprise. Après évitement et réduction, elle n’a d’autre choix que de participer à un projet hors de son activité pour compenser. Elle ne peut donc pas être neutre en carbone et c'est pour cette raison qu'on parle de neutralité nette. En effet, si elle voulait atteindre la neutralité, elle devrait réduire et éviter ses émissions jusqu’à ne plus émettre du tout, ce qui est quasiment impossible pour conserver une activité économique. En réalité, concernant une organisation, compenser ailleurs est un pléonasme. C’est pourquoi la neutralité s’apprécie à l’échelle globale et ne peut pas être individuelle. L’organisation ne peut que participer à atteindre les objectifs du pays. Pour que le global atteigne l’exemplarité climatique.
Contribuer, ça veut dire quoi ?
Cette notion est régulièrement utilisée et sa définition n’est pas la même pour tous. De plus, la tendance est à remplacer le terme « compensation » par « contribution ». Faisons le point.
Dans l’ensemble, la contribution carbone, appelée aussi contribution à l’effort climatique, correspond à un engagement réel et efficace dans la lutte contre le dérèglement climatique. Ce sont ses usages qui divisent les acteurs.
Certains engagent le terme « contribution » dans leur communication tout en maintenant leurs pratiques existantes, quelles qu’elles soient. L’objectif est de ne plus utiliser la notion de « compensation » qui a subi de nombreux assauts de la part de la presse depuis ces dernières années. En effet, l’outil de compensation a été utilisé à mauvais escient par quelques grands organismes. Dorénavant, le risque de se voir assimilé à du greenwashing fait peur à certains acteurs. Ils cherchent donc à adapter leur communication à leur public cible. Pourtant, dire que l’on « contribue » ne fait pas de nous un exemple de la transition écologique. Les actes concrets en interne et en externe doivent suivre.
D’autres s’engagent dans la « contribution » à la neutralité carbone globale. Nombreuses sont les entreprises ayant compris qu’il est impossible d’atteindre la neutralité carbone individuellement. Ce n’est pas pour autant que tous les efforts sont vains. Une entreprise peut participer à la réalisation des objectifs à court terme de son pays, voire du monde. Elle a donc la possibilité d’aller au-delà de ses ambitions initiales, en ne cherchant plus seulement à compenser ses émissions pour annuler son empreinte mais à participer à l’accélération de la transition écologique de la France. Le but étant de respecter les engagements de la France à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
En d'autres termes, la contribution n'est pas réellement opposée à la compensation carbone. La compensation intervient simplement en tant qu'outil, qui peut lui-même être utilisé dans la contribution carbone. En effet, "contribuer" pour une entreprise est avant tout un engagement global, qui comprend tous les aspects de la gestion des émissions (E,R,C). Cependant, la compensation à elle seule n'est pas suffisante pour proposer une contribution durable! Il faut aller au-delà de l'objectif de neutralité carbone (virtuelle) et contribuer au maximum dès maintenant à l'effort climatique.
La Net Zéro Initiative :
Projet développé par Carbone 4 en 2018. Il propose un référentiel qui « offre aux organisations une manière de décrire et d’organiser leur action climat en vue de maximiser leur contribution à la neutralité carbone mondiale. » (Carbone 4). Les entreprises sont donc accompagnées pour définir un plan d’action durable :
- Éviter et réduire leurs propres émissions
- Éviter et réduire les émissions des autres
- Contribuer à l’augmentation de puits de carbone (notamment grâce à l’outil de compensation carbone).
Ce référentiel aide les organisations à savoir où et comment contribuer à l’effort climatique, en étant le plus efficace possible. Elles peuvent ainsi définir clairement leurs nouveaux objectifs, les piloter et mesurer chacune des actions réalisées. Plus d’une dizaine d’entreprises utilisent déjà ce référentiel (ENGIE, EDF, Groupe Orange).
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